LE RETRAIT (PARTIE 1): ASPECT THEORIQUE

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PARTIE 1 – ORIGINE ET COMPRÉHENSION DU PHÉNOMÈNE

Définition générale

Le retrait est une diminution de volume liée à la dessiccation du béton, au moment de la mise en oeuvre puis au cours du vieillissement de l’ouvrage. Cette diminution crée des contraintes de traction dans le matériau. Si ces contraintes sont plus importantes que la Iimite de rupture du béton, il y a rupture du matériau, ce qui se traduit par des fissures.

Le phénoméne a été observé dés Ies premières utilisations du béton de ciment, et fait encore aujourd’hui l’objet de recherches. Beaucoup de facteurs influent sur le retrait et ses conséquences, et il est difficile d’en faire l’analyse exhaustive. Les désordres causés par le retrait se caractérisent essentiellement par des fissures, dont la gravité est à analyser en fonction de la nature des pieces affectées et de leur environnement.Dans cette article on passe en revue rapidement les différents types de retrait et leurs origines.

Le retrait chimique

Ce phénomène résulte directement des réactions d’hydratation du ciment. Comme on peut le voir dans cet exemple ci-dessous, Il y a une perte de volume entre les réactifs et les produits de réaction. Cette perte volumétrique également appelée contraction Le Chatelier est à l’origine du retrait chimique :

Exemple de réaction d’hydratation

Retrait chimique volumique du C2S : R = ((145+108)-(123,4-99,2))/ (145+108) = 10.8% . Le déficit volumétrique est également présent pour toutes les réactions d’hydratation initiales et tardives :

Exemples de réactions d’hydratation

Le retrait endogène

Le retrait endogène est égal au retrait chimique absolu moins le volume de vide contenu dans les pores à l’intérieur du matériau. Le retrait endogène constitue le retrait apparent depuis l’extérieur du matériau .

Comme on le voit sur le schéma ci-dessous , il y a plusieurs phases :

Phase 1 Gâchage du béton /apparition du retrait chimique et perte de volume. La contraction du volume du béton à l’état frais intervient dès le début des réactions d’hydratation (gâchage).

Phase 2 Cette déformation est freinée par la rigidification du matériau. Au fur et à mesure que le temps passe, le squelette solide du matériau se forme et bloque la contraction.

Phase 3 Le retrait chimique gêné par la rigidité nouvelle du matériau provoque l’apparition progressive d’un volume de gaz dans la matrice cimentaire (auto-dessication).

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Conséquences sur la microstructure et la macrostructure

Avant la prise, ce type de retrait est en général négligeable comparé aux autres. En effet, les conséquences macroscopiques sont pratiquement inexistantes car d’une part le ciment n’est pas totalement hydraté (et donc la contraction est moins grande), d’autre part Ie béton étant encore déformable, la contraction est compensée par un réarrangement granulaire. Les microfissures pouvant apparaitre sont principalement situées dans la masse du. Béton ; elles sont pratiquement inexistantes au niveau des parements. Après la prise, le ciment continue à s’hydrater, ce qui assèche le réseau poreux et crée une dépression et donc un retrait dit d’auto-dessiccation. Pour des compositions de béton courantes, ce retrait est assez Iimité. En revanche, il devient non négligeable pour des bétons avec un rapport E/C faible (typiquement Ies BHP).

Le retrait thermique

Lors de la prise, Ie ciment rend une partie de Ia chaleur qui lui a été fournie dans le four. Les réactions d’hydratation sont exothermiques et il s’en suit une dilatation du béton suivit d’un refroidissement du matériau. La cause première de cet échauffement est la formation d’éttringite. Une fois la prise faite, la baisse de température du béton produira une rétractation. Cette contraction thermique peut entrainer des contraintes internes pouvant donner naissance à des fissures.

Pour Ies pièces non massives, ce type de retrait est Ie plus souvent négligeable (sauf Iors d’un bétonnage par temps chaud sans précautions suivi d’une nuit fraiche par exemple). En effet, ces pièces ne montent pas beaucoup en température car Ia chaleur peut vite se dissiper. II convient toutefois de ne pas négliger la dilatation thermique due aux variations de Ia température.

Le retrait thermique devient problématique lorsqu’un ciment dégage une forte chaleur d’hydratation, ou bien lorsque le retrait est différentiel, c’est-à-dire qu’il y a un gradient de retrait entre le coeur et la surface d’un élément de béton. Ceci peut se produire pour les piéces massives (piliers, barrages) ou le coeur du béton peut monter en température jusqu’a 70°C voire plus. Puisque le béton a une mauvaise conductivité thermique, la chaleur d’hydratation s’accumule dans la masse de béton. Au niveau des bords, le contact avec l’air (ou un coffrage non isolant) permet la diffusion rapide de la chaleur. ll se produit une compression au centre (dilatation) et une traction aux bords (rétractation) ; le centre et Ies bords étant mécaniquement liés, ce gradient de contraintes a tendance a fissurer le matériau.

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Le retrait thermique se manifeste, suivant Ies éléments de structure considérés, de quelques dizaines d’heures à quelques semaines après la mise en oeuvre du béton, la durée augmentant avec la taille de la pièce.

Le retrait plastique

Les différents types de retrait que nous avons évoqué sont tous des retraits qui surviennent sans échange d’humidité avec le milieu extérieur. Le retrait plastique se produit lui avec échange d’humidité.

Lors de la prise du béton, le matériau se consolide et entre en phase dite plastique. Il commence à obtenir une certaine résistance, mais qui reste insuffisante pour retenir mécaniquement l’eau de gâchage. Le retrait plastique apparaitra donc lorsque |’eau de surface s’évapore plus rapidement que celle qui remonte a la surface par ressuage : en ce sens, un ressuage (toutefois modéré) prévient le retrait plastique. Cette évaporation est d’autant plus forte que la surface a l’air libre est grande, le retrait plastique est donc à redouter pour les grandes surfaces horizontales exposées au vent et à la radiation solaire comme la surface supérieure d’un dallage ou d’un radier. Un coffrage non humidifié, des granulats secs poreux (bétons légers) ou encore le sol d’assise peuvent aussi entrainer une perte de l’eau de gâchage. On peut constater le même phénomène sur des boues argileuses qui se craquellent en se desséchant. Si aucune mesure préventive est prise ce type de retrait peu produire des fissures pouvant atteindre 2 mm et servant d’amorce aux fissures de retrait après prise.

 Le retrait de dessication

Il s’agit du départ de l’eau depuis les pores capillaires et les pores de gel de la pâte de ciment vers l’extérieur du béton à l’état durcit. En ce sens le retrait de dessication constitue la suite logique du retrait plastique. Les mécanismes d’origine sont complexes. Les dépressions capilaires, la pression disjonctive et les tensions de surface sont autant de causes qui dépendent de plusieurs paramètres dont les conditions d’humidité relative et le gradient hydrique dans le matériau.

Le retrait de dessication se caractérise par sa Ienteur et son amplitude plus faible que le retrait plastique (de l’ordre de 10 a 20 fois). En effet, l’eau est présente en moins grande quantité ; d’autre part le squelette solide |’emprisonne et ralentit ainsi l’évaporation. De ce fait, pour des pièces très épaisses (barrages par exemple), le temps de séchage peut se chiffrer en centaines d’années. Pour des bétons et constructions ordinaires, ce sont principalement Ies conséquences de ce retrait que l’on veut palier en créant des joints de retrait qui vont permettre de guider la localisation des fissures.

Récapitulatif des différents type de retrait

Tableau récapitulatif des différents types de retrait

 

Crédit photo .nicolas
Sources  (voir bibliographie)